Activer sa résilience, prévenir l’état de stress post-traumatique

On parle beaucoup des conséquences que la crise du coronavirus peut avoir sur la population générale et les soignants en particulier. On évoque notamment, dans de nombreux média, le syndrome de stress posttraumatique.

Ce syndrome survient en moyenne 6 mois après une période ou un événement traumatisant pour un individu donné. En effet, chaque individu a sa propre capacité de résilience, et ce qui fait trauma pour l’un d’entre nous, ne l’est pas forcément pour un autre. Ce syndrome survient quand nos capacités à gérer le stress ont été dépassées, débordées.

Il se caractérise surtout par la survenue de Flash-Backs, c’est-à-dire la reviviscence, d’images, mais aussi de sons, de sensations vécues à l’époque du traumatisme. Il s’accompagne également de nombreux symptômes non spécifiques, comme de l’anxiété, des insomnies, un sentiment d’étrangeté … Ces phénomènes sont ravivés par le contact avec un déclencheur, quelque chose qui rappelle événement ou la période traumatisante, et qui peut être une odeur, un bruit, une image, mais aussi parfois des choses aussi banales que l’émission de radio que l’on écoutait en allant travailler, ou la voix d’un collègue que l’on peut, pourtant, apprécier.

Comment se prémunir de ce Syndrome ?

Evaluer ses capacités de résilience  en se posant les questions suivantes :

  • Suis-je sensible au stress ?
  • Mon entourage trouve-t-il que je prends, en général, tout à cœur ?
  • Ai-je une bonne mémoire et/ou une tendance à mémoriser plus facilement les événements douloureux ?
  • Lorsque j’ai eu des difficultés dans ma vie, ai-je repensé longtemps après à ces difficultés, ruminé, réactivé les sentiments de l’époque, à l’écoute d’une musique ?

Ces questions ne présagent pas de vos capacités à faire face, mais donne une indication sur la manière dont vous mémorisez les événements et dont vous faites face au stress. Sans être une règle absolue, nous savons aujourd’hui que les personnes hypersensibles sensoriellement, émotionnellement et qui ont une bonne mémoire sont plus « à risque » de mémoriser plus longtemps les états de stress et les émotions fortes. Si vous avez répondu oui à ces questions, vous devez donc tout particulièrement appliquer les consignes suivantes. Si vous avez répondu majoritairement non, au vu de l’intensité de la situation actuelle, il est important d’être malgré tout vigilant !

  • Limiter son contact avec des émotions supplémentaires : inutile en ce moment de regarder des documentaires sur la vie en Corée du Nord ou de regarder des films incluant de nombreux décès, séparations, rapt d’enfants, guerre… Nous avons tous une limite. Notre système émotionnel ne peut pas tout supporter.
  • Vérifier que l’on se sent suffisamment en sécurité dans son environnement de travail (collègues bienveillants, matériel minimal à disposition…) Si c’est le cas, super ! Si ce n’est pas le cas, valider que l’on est dans un contexte insécure et rester sur ces gardes. C’est important, car le traumatisme peut aussi venir du décalage entre l’envie, la naïveté de se croire en sécurité et la réalité du terrain.
  • Accepter de ressentir une émotion. Bloquer une émotion ne fait qu’augmenter l’intensité de celle-ci. Les émotions qui nous traversent durent entre 5 et 10 min, si on les laisse nous parcourir. Si on les bloque, elles sont comme les vagues, elles accumulent de l’énergie pour former une vague scélérate qui va tout submerger… S’autoriser à pleurer au volant de sa voiture en allant ou en rentrant du travail, crier sur une chanson de rock métal… Ca soulage… Accepter d’être d’un claquement de porte chez soi… C’est tout a fait normal dans la période actuelle. Accepter d’être traversé par tout cela, quitte à en sourire ensuite, de manière à ne pas fabriquer de vague scélérate !
  • Parler, parler, parler, de ce que l’on ressent, de ce que l’on vit, avec des collègues, des amis. Souvent on se freine en se disant que l’on va « saouler » tout le monde ou que l’on ne sera « pas compris » ou qu’il y a « tellement plus grave ». Pourtant parler est autre chose que de se placer comme victime. Parler c’est partager, témoigner, évacuer… Et dire simplement «  j’en ai marre » ou « j’aimerai que ça s’arrête » est humain et très bien compris de nos collègues et amis !
  • Ecrire pour faire récit, pour que la mémoire soit rassurée et qu’elle ne se sente pas obligée de tout mémoriser pour ne pas oublier.
  • Avoir/définir un objet-ancrage avec soi, dédié à cette période, que l’on jettera ensuite, à la fin de tout cela. Cet objet est celui qui est associé avec cette idée que « en temps normal, je ne fais pas ça ». Cela peut être un stylo, un bout de tuyau ou de seringue… Quelque chose qui marque l’étrangeté de la situation.
  • Se faire du bien dans les moments où l’on n’est pas en situation de travail, tant sur le plan émotionnel que matériel : savoir, en rentrant à la maison, prendre une douche chaude plus longue que d’habitude, avec une odeur que l’on affectionne, manger un plat réconfortant, revoir un film que l’on connait déjà, relire une bd mille fois relue mais qui fait sourire à chaque fois, câliner ses enfants… Tout ce qui rempli le réservoir affectif est bon à prendre.
  • Prendre soin de soi-même au travail : remplir autant que possible ses besoins fondamentaux : aller boire de l’eau dès que possible, profiter d’un petit quart d’heure pour dormir, si on sait déjà maîtriser les « siestes de navigateurs »,  écouter un exercice de relaxation sinon, manger en quantité suffisante : notre corps enregistre aussi les signaux de stress physique comme des stress psychologiques.
  • Activer sa résilience, en se rappelant des situations où l’on a réussi à faire face et en les notant dans un carnet, que l’on garde sur soi au travail, dans la voiture, au vestiaire… On peut également y noter chaque jour une chose que l’on a réussi à faire, qui a marché, un point positif même petit… Malgré tout ce que l’on a pas réussi ou les gens que l’on a pas pu sauver… Noter même une toute petite chose compte !

Petit conseil personnel de prévention intensive : écouter la chanson « Pour aller mieux » de Mademoiselle K.

Isabelle Prévot